Les verbes faibles : de quoi s’agit-il ?

Vous les connaissez forcément. Les verbes pauvres, aussi appelés faibles ou ternes, se glissent partout.

Être, avoir, dire, faire, répondre…

La liste de ces verbes passe-partout est longue. Nous les employons (trop) souvent, à l’oral, comme à l’écrit, par facilité, car ils se semblent convenir à tous les contextes.

Et si, sur le principe, ce n’est pas faux, ils peuvent être dommageables pour votre texte.

Voici pourquoi.

Surnommés « passe-partout », ils peuvent être employés dans des contextes variés. Cela pourrait être une bonne nouvelle, mais leur avantage va de pair avec un défaut non négligeable : ils possèdent souvent un sens très imprécis, qui ne se suffit pas à lui-même.

Ce raisonnement reste valable avec le verbe “faire”, “avoir”, “dire”, etc. Tu as saisi l’idée.

Bref, les verbes faibles sont imprécis.

Ils ne caractérisent rien : ni l’action, ni le personnage, ni le paysage. Votre texte en devient donc plat et presque neutre.

Exemple :

Pierre est un garçon de 8 ans. Il est assis au milieu du salon et il est en train de jouer aux petits soldats. À ses côtés, il y a une table en bois, un grand canapé, mais lui aime être assis par terre.

OU

Pierre, 8 ans, joue à quatre pattes au milieu du salon. La grande table de bois à ses côtés abrite ses soldats en plastique d’une attaque imaginaire. Le dos appuyé contre l’assise du canapé, il prépare la contre-offensive, dénigrant les coussins en cuir. Il leur préfère le moelleux du tapis à frange.

Autre exemple :

Marguerite faisait les cent pas parmi les hautes herbes. Elle avait la tête ailleurs et ne faisait pas attention au magnifique paysage qui l’entourait. C’était ainsi depuis qu’elle avait pris l’avion pour cette île, soi-disant paradisiaque.

OU

Marguerite traçait des sillons dans les hautes herbes. Voilà une demi-heure qu’elle arpentait ce champ, indifférente à la majestuosité du lieu. Impossible de profiter du spectacle de lumière, ses pensées tourbillonnaient sous son crâne depuis qu’elle avait embarqué pour cette fichue île paradisiaque.

Laquelle de ces deux versions trouves-tu plus prenante ?

Ils créent un effet de redondance.

Exemple :

Depuis l’embarcation, François voyait l’île où ils allaient. Initialement nommée Paraiso, elle avait changé de nom depuis les sombres événements qui s’y étaient passés. L’île avait désormais mauvaise réputation. D’ailleurs, François ne voyait pas bien pourquoi quiconque en aurait douté. Elle était faite d’immenses rochers noirs et sentait les ennuis à plein nez !

Écris plutôt :

Depuis l’embarcation, François apercevait enfin le rocher maudit. Leur destination. Originellement nommée Paraiso, l’île portait désormais un nom plus macabre qui collait à la perfection à la sombre réputation dont elle avait hérité. Diverses tragédies, toutes plus horribles les unes que les autres, avaient conduit à son abandon. Et Inferno était née. Au vu des immenses rochers noirs, François se renfrogna. Rien dans son apparence ne collait avec sa première appellation. L’île puait les ennuis à plein nez !

Ils rallongent le texte !

Enfin, les verbes pauvres favorisent une tournure de phrase parfois longue, peu claire quand un autre verbe pourrait suffire.

Exemple :

Marie était en train de faire ses lacets. Sa mère lui dit en criant depuis le salon :

“Tu ne va pas dehors tant que tu n’as pas fait le ménage dans ta chambre”.

Marie répondit un vague oui dans sa barbe et poussa un soupir.

Écris plutôt :

Marie laçait ses chaussures lorsque sa mère s’écria :

“Tu ne sors pas tant que tu n’as pas nettoyé ta chambre.”

Marie soupira et grommela un vague assentiment.

Quand remplacer les verbes faibles ?

Deux écoles s’affrontent :

Pendant l’écriture

A la réécriture/relecture

Fais-le au moment qui TE convient le plus !

Pour moi, il n’y a pas de règle, le moment idéal est fonction de ton profil d’auteur.

• Tu as tendance à beaucoup relire ton premier jet ? Alors, pourquoi ne pas essayer de remplacer quelques verbes pauvres ?
• Penser à des points de style te bloque dans l’écriture ? Alors, attends la relecture !
• Tu peux faire un petit mélange des deux méthodes : c’est à toi de voir !

Comment faire pour remplacer les verbes faibles ?

Attention : ne cherche pas à supprimer TOUS les verbes faibles ! Déjà, tu t’épuiserais ! Ensuite, un texte trop riche, avec un vocabulaire trop compliqué, peut aussi fatiguer ton lecteur. Et puis, tu ne peux pas toujours te passer des auxiliaires, “être” et “avoir” (bonjour les temps composés !). L’idéal reste de trouver un équilibre et de les remplacer lorsque c’est possible.

Plusieurs possibilités pour réduire l’utilisation des verbes faibles

Précise ta pensée :

La première étape reste de savoir ce que tu veux montrer ou décrire avec précision. Si c’est flou pour toi, ça le sera aussi lorsque tu voudras choisir un verbe et donc pour ton lecteur à la fin ! Donc pense à spécifier ton contexte, car un même verbe faible pourra être remplacé par deux verbes totalement différents selon les cas !

Conseil : tu peux visualiser la scène pour t’aider. Pense aussi à utiliser les 5 sens et demande-toi ce que ressent ton personnage à cet instant précis.

Exemple : Ton personnage va au marché. Comment ? S’y rend-elle en courant ? Au contraire, boite-t-elle ? Ou sautille-t-elle ? “Elle se traina jusqu’au marché” n’a pas la même connotation que “Elle sautilla jusqu’au marché”.

Cherche un synonyme :

Conseil : tu peux trouver plein de listes de verbes pour t’aider ! (J’en propose une dans la suite si cela t’intéresse.)

Exemple : Remplace “être au-dessus de” par “surplomber” et “avoir du mal à” par “peiner à“.

Reformule :

Parfois, tu ne trouveras pas de qui te convienne ou alors ta phrase restera lourde. Dans ces cas-là, reformule, tourne ta phrase différemment.

Exemple : Tu peux transformer “Les touristes sont en colère du retard du bus.” par “Le retard du bus agace les touristes”.

Dans les dialogues :

Voici une petite astuce pour limiter les verbes ternes dans les dialogues. N’utilise des incises que lorsque c’est nécessaire pour préciser la manière dont tes personnages discutent, par exemple. Garde bien en tête le ton du dialogue.

Exemple :

– Quel chemin on prend ? demande Mél.

— Je ne sais pas, dit Béatrice. T’en penses quoi, Andréa ?

—Aucune idée, répondit son amie.

— Moins fort, on va vous entendre ! dit la première à voix basse.

Bon, on est d’accord, ce dialogue manque de punch, mais dans le deuxième cas, j’ai retiré les incises inutiles et précisé un peu le ton que ces trois amies emploient. On peut faire mieux, mais c’est un premier pas !

Limiter les verbes faibles demande de la patience…

Au début du moins, réduire l’occurrence des verbes faibles te demandera beaucoup d’attention. Mais ne baisse pas les bras, car plus tu pratiqueras, plus cela deviendra facile. Peut-être même qu’un jour, tu n’y feras (presque) plus attention !

Allez courage ! Tu vas y arriver ! 🙂

Pour aller plus loin…

Les verbes faibles, tu maîtrises ? Mais as-tu pensé aux noms faibles ?

Eh oui ! Tout comme les verbes ternes, les mots pauvres sont des mots-valises, passe-partout… Et tu les connais bien !

Il s’agit de : quelque chose, quelque part, quelqu’un, etc.

Mais aussi : cela, chose, truc, machin, etc. !

Et le pire du pire, le combo “verbe ET mot faible” : Cela est, ou plus familièrement, c’est !

Parce que ce truc, ça veut tout et rien dire, ça va nulle part et ça ne veut pas vraiment dire quelque chose ! 😉

Un exemple de liste de verbes faibles

Voici les verbes ternes les plus courants et quelques idées pour les remplacer. Note bien, la liste n’est pas exhaustive !

Conseil : cherche bien le sens de chacun des mots avant d’utiliser un synonyme !

Voici la liste des principaux verbes faibles :

Voir, dire, faire, prendre, vouloir, mettre, pouvoir, aller, sentir, être, avoir.

Dire

Quelques exemples :

• Elle dit à voix basse : elle chuchote ; elle murmure ; elle souffle; etc.
• Il dit méchemment : il aboit, gronde, lâche, etc.
• Iel dit très fort : iel vocifére, hurle, s’époumone, etc.

Des idées de verbes de dialogues :

Déclarer, révéler, annoncer, exposer, énoncer, affirmer, argumenter, lâcher, informer, réciter, avouer, mentir, prétendre, questionner, interroger, dénoncer, etc.

Avec différents tons :

Crier, hurler, vociférer, s’époumoner, chuchoter, murmurer, souffler, gronder, aboyer, etc.

Conseil : Tu peux aussi utiliser certains verbes qui ne sont pas des verbes de parole.

Exemple : “Bonjour, sourit-elle.“

Répondre

Quelques exemples :

• Elle répondit fermement : elle rétorqua ; elle riposta, etc.
• Elle répondit non : elle nia ; elle refusa ; etc.
• Elle répondit oui : elle acquiessa ; elle valida ; elle confirma ; etc.
• Elle répondit qu’elle n’en savait rien : elle haussa les épaules ; elle secoua la tête, etc.

Des idées de verbes pour remplacer faire :

Rétorquer, riposter, nier, refuser, infirmer, contredire, opposer, accepter, acquiesser, confirmer, valider, argumenter, contrer, etc.

Conseils : Ici aussi, tu peux utiliser la gestuelle pour remplacer le verbe de parole. (cf les exemple au-dessus)

Faire

Quelques exemples :

• Faire à manger : cuisiner, pâtisser, mijoter, etc.
• Faire la grimace ou la moue : Grimacer, ses lèvres se tordirent, plisser le nez, etc.
• Faire le linge : repasser, plier, laver, etc.
• Faire le ménage : nettoyer, briquer, aspirer, balayer, etc.

Des idées de verbes pour remplacer « faire » :

Entreprendre, créer, réaliser, effectuer, contribuer à, façonner, produire, composer, élaborer, exécuter, construire ; agir, établir, jouer, élever, bâtir, réaliser, constituer, etc.

Ce verbe sert tellement à tout, que tu trouveras presque toujours un verbe pour le remplacer !

Être

Quelques exemples :

• être curieuse/triste : montrer par une phrase pour émotions
• être était en train de marcher : elle marchait
• être au-dessus de : surplomber

Des idées de verbes pour remplacer “faire” :

Se trouver, demeurer, exister, vivre, consister, subsister, se montrer, se comporter, représenter, figurer, former, devenir, appartenir, se trouver, etc.

⇒ Ici aussi, il est possible de trouver des dizaines de verbes pour remplacer le verbe “être”. Ces verbes sont variés puisque “être” peut servir dans tous les contextes !

Avoir

Quelques exemples :

• Il y avait une odeur attirante qui l’attirait vers les cuisines : une odeur alléchante l’attira vers les cuisines
• Avoir envie : désirer, souhaiter, vouloir
• Avoir mal : souffrir
• avoir du mal : peiner à

Des idées de verbes pour remplacer “faire” :

Posséder, attraper, tenir, bénéficier, berner, duper, séduire, occuper, disposer, entourlouper, emberlificoter, etc.

Ici aussi, il est possible de trouver des dizaines de verbes pour remplacer le verbe “avoir”. Ces verbes sont variés puisque “avoir” peut servir dans tous les contextes !

Aller

Quelques exemples :

• Elle alla ouvrir la porte : elle se dirigea vers la porte et l’ouvrit.
• Aller : comment se déplace le personnage ? Quel est son moyen de locomotion ou sa manière de se déplacer ?
  => Enjamber, courir, marcher, trainer des pieds, sautiller, gambader, danser, virevolter, trainer, prendre un carrosse/une voiture/un avion, etc.
• Elle allait faire qqc quand soudain : imparfait ⇒ elle s’apprêtait à

Des idées de verbes pour remplacer “faire” :

Se rendre, visiter, avancer, marcher, errer, progresser, enjamber, courir, marcher, trainer des pieds, sautiller, gambader, danser, virevolter, trainer, prendre un transport, se diriger, se mouvoir, tomber, tirer, piquer, déambuler, s’acheminer, pousser, affluer, voyager, voler, se déplacer, conduire, distancer, pénétrer, devancer, dériver, s’approcher, continuer, converger, etc.

Ici aussi, il est possible de trouver des dizaines de verbes pour remplacer le verbe “aller”. Ces verbes sont variés puisque “aller” peut servir dans différents contextes. Pense au mode de locomotion et à la manière dont se déplace le sujet !

Prendre

Quelques exemples :

• Il prit ses affaires et s’enfuit : il attrapa son sac et s’enfuit.
• Il prit un billet pour Paris : il acheta un billet pour Paris.
• Il prit le métro : Il monta dans le métro.
• Il prit la peine de lui dire bonjour : Il s’efforça de la saluer.
• Il prit contact : il contacta.

Des idées de verbes pour remplacer “prendre”:

Attraper, saisir, empoigner, capturer, s’emparer, voler, obtenir, recevoir, tenir, tirer, s’approprier, toucher, emporter, ravir, absorber, empoigner, attirer, monter, etc.

⇒ Ici aussi, il est possible de trouver des dizaines de verbes pour remplacer le verbe « aller ». Ces verbes sont variés puisque « aller » peut servir dans différents contextes. Pense à caractériser l’action du sujet !

Vouloir

Quelques exemples :

• Elle voulait aller à Parie : elle rêvait de visiter Paris.
• Elle voulait une augmentation : elle souhaitait recevoir une augmentation.
• Elle voulait disparaitre : elle aimerait disparaitre.

Des idées de verbes pour remplacer “prendre” :

Souhaiter, désirer, espérer, convoiter, demander, exiger, revendiquer, ambitionner, aspirer, lorgner, briguer, commander, soupirer, aimer, solliciter, ordonner, nécessiter, s’obstiner, essaye, appéter, etc.

⇒ Ce verbe sert tellement à tout, que tu trouveras presque toujours un verbe pour le remplacer !

Conclusion

Veille à ne pas utiliser trop de verbes faibles : fixe-toi une moyenne de 10 %, par exemple, à ne pas dépasser. Ton texte sera ainsi plus dynamique et plus précis. Ton lecteur t’en remerciera !

Liens intéressants

Pour aller plus loin…

Tu souhaites continuer d’améliorer ton style ? Je te recommande de faire un tour sur la page du blog qui y est consacré !

Listes de verbes

Tu pourras trouver d’autres listes de verbes sur les sites internet suivants :

https://ecrire-un-roman.com/verbes-de-dialogue/

https://jcstaignier.com/2021/05/19/les-verbes-pour-remplacer-dire/

https://laplumedesnovice.blog/2018/06/01/les-verbes-dans-votre-roman/

Sources

Voici les articles que j’ai utilisés pour écrire ce post. N’hésite pas à aller les consulter !

https://marievareille.com/2015/11/04/8-mini-efforts-pour-ne-plus-ecrire-comme-un-pied/

https://stephanearnier.com/2016/11/18/focus-les-verbes-ternes/

https://www.reinesdecoeur.com/mots-faciles-qui-appauvrissent-un-roman/

https://lesmotsclairs.wordpress.com/2017/09/14/les-verbes-pauvres/