Êtes-vous plutôt tailleur de buissons ou poseur de briques ?
L’interrogation peut paraître saugrenue, pourtant elle est bien liée à l’écriture ! Auteur architecte ou auteur jardinier, ces termes, utilisés pour décrire deux profils d’écrivains que tout semble opposer, sont au centre de débats régulier dans les cercles d’auteurs, car elles soulèvent l’épineuse question de la méthode d’écriture.
Vaut-il mieux tout préparer avant le premier jet ou se laisser guider par son inspiration ? Y a-t-il un juste milieu ? Et surtout, existe-t-il réellement un bon profil pour être écrivain ?
Réponse dans cet article !
Auteur architecte : à vos plans, prêts, partez !
Vous aimez les fiches en tout genre, trier vos idées et les répartir dans un plan ?
Vous êtes peut-être un auteur architecte !
Qu’est-ce qu’un auteur architecte ?
On parle d’architectes pour les auteurs qui n’aiment pas laisser trop d’espace à l’improvisation pour la phase d’écriture.
Pour eux, une histoire se prépare en amont du premier jet.
Ce profil d’auteur réfléchit aux personnages, à l’univers, aux rebondissements avant toute chose. Rien n’est laissé au hasard, ou presque. L’improvisation, du moins sur le cadre du récit, n’a que peu de place dans leur écriture.
Une minutieuse préparation du premier jet
L’auteur architecte passe donc un certain temps à préparer la phase d’écriture.
Qui sont les personnages ; quel est leur passé ; quels sont leurs caractéristiques et problèmes ?
Comment se mêlent-ils à leur univers ?
Comment évoluent-ils ?
Autant de questions qu’ils regroupent souvent sur des fiches : personnage, univers, magie, civilisation, intrigue, etc.
Leur univers se construit progressivement et chaque élément est pensé pour répondre aux autres en amont de l’écriture. Une fois le cadre posé, il reste à noter les événements dans un plan afin de doser le rythme, les indices et les péripéties.
Peut-être, faites-vous partie des plus perfectionnistes, au point de prévoir chaque scène en avance ?
Premier jet et travaux dirigés
Guidé par sa minutieuse préparation, l’architecte se lance et pose, petit à petit, les premiers mots de l’édifice littéraire.
Cette méthode possède certains avantages : la phase d’écriture peut être un peu moins soumise aux aléas de l’inspiration. L’auteur architecte n’a plus besoin de chercher les idées principales du récit puisqu’il en a déjà posé toutes les bases !
Ces écrivains rencontrent donc un peu moins la page blanche ou les blocages de milieu de roman, même s’il leur arrive d’y être confrontés malgré tout, car la nécessité de trouver les bons mots, le bon décor pour donner vie à son récit n’en demeure pas moindre !
D’autre part, être auteur architecte, ce n’est pas suivre à la lettre son plan ! Il arrive que ces écrivains changent d’avis, aient de nouvelles idées et s’écartent de leur structure initiale. Leur avantage : ils ont tendance à reporter l’impact de ces changements sur leur plan, ce qui facilite la phase des corrections !
La réécriture et les corrections de fond
Vous êtes auteur architecte ? Bonne nouvelle : cette étape sera peut-être un peu plus simple que pour vos camarades jardiniers !
Je m’explique.
Lors de la relecture, vous aurez forcément pas mal de travail, mais d’un point de vue de l’intrigue, vos corrections seront facilitées par votre plan. En effet, vous avez réfléchi au déroulé des événements en amont de l’écriture et, à moins de, vous êtes trop écarté de votre plan, vous savez que vos péripéties tiennent la route.
En revanche, comme pour n’importe quel écrivain, il vous restera beaucoup à reprendre : les petites incohérences inhérentes à l’écriture, la tournure des phrases, le choix des mots, etc. Tout architecte que vous êtes, vous ne couperez pas à la réécriture de certains passages !
Il n’empêche, votre chantier sera plus organisé que pour les jardiniers !
Auteur architecte : en bref
Vous l’aurez compris : si vous aimez poser les briques de votre récit les unes après les autres et réfléchir à votre intrigue AVANT l’écriture, vous êtes probablement architecte.
Mais est-ce aussi simple que cela ?
J’ai bien peur que la réalité soit plus complexe, mais je vous laisse découvrir ça dans les paragraphes suivants !
Auteur jardinier : faites fleurir les idées !
Le passage précédent vous a donné des boutons ? Les plans, les fiches, les cadres : très peu pour vous ?
Et si vous étiez un auteur jardinier ?
Qu’est-ce qu’un auteur jardinier ?
Les auteurs jardiniers aiment se laisser porter par l’inspiration du moment et découvrir leurs scènes et leurs personnages à mesure qu’ils écrivent. Les cadres trop strictes, les plans et les fiches ont tendance à les rebuter, voire à les bloquer !
Quelques graines d’idées et c’est parti !
Les jardiniers n’attendent pas d’avoir toutes les fondations du récit pour se lancer : quelques petites graines d’idées germent dans leur esprit et ils partent à l’aventure.
Car pour ce profil d’écrivain, tout l’intérêt réside dans le plaisir de découvrir son univers, ses personnages et les obstacles durant leur session d’écriture.
L’histoire s’étoffe à mesure qu’ils arpentent leur imaginaire et couchent les mots sur le papier (ou à l’écran). Parfois débordés par leurs personnages, qui n’en font qu’à leur tête, ces auteurs partent en exploration de leur jardin intérieur.
Contrairement aux auteurs architectes, ils planifient peu et ne s’attardent pas sur les fiches tant aimées de leur leurs camarades.
Un premier jet : en grès de leur imagination !
Pour ces raisons, leur premier jet prend vraiment des allures d’explorations. Tantôt inspirés, tantôt non, les jardiniers sont un peu plus soumis à la météo de leurs émotions et de leur créativité.
Comme dans un véritable jardin, ils peuvent tomber sur une mauvaise pousse, une idée qui ne mène à rien, un cul-de-sac.
Quelques fois, ces errances conduisent à des blocages : de milieu d’histoire lorsqu’ils ont perdu leur chemin, de page blanche lorsque l’inspiration est masquée derrière les nuages de leur conscience.
Pourtant, ils ne troqueraient leur méthode d’écriture pour rien au monde, car de ces graines infertiles naissent parfois les racines de leur histoire.
Relecture et réécriture : un débroussaillage compliqué !
Vous vous en doutez, qui dit moins de préparation, dit plus de corrections. Les jardiniers doivent réécrire ou supprimer des parties entières de leur roman. Ils sont un peu plus soumis aux incohérences de récit que les architectes, et pour cause : ils n’ont pas forcément noté les caractéristiques physiques de leurs personnages ou des lieux.
Nonobstant, cela ne les empêche pas d’aboutir à un récit parfaitement cohérent ! Il faut juste plus de patience à l’étape des diverses corrections !
D’ailleurs, beaucoup d’auteurs jardiniers considèrent leur premier jet comme une sorte de premier brouillon, une façon de faire croître leur univers et leurs personnages, avant une grosse réécriture.
Auteur jardinier : en bref
Vous n’aimez pas les plans, les fiches personnages ou les profondes réflexions avant l’écriture ?
C’est que vous devez être jardinier, non ?
Eh bien, pas forcément ! Et voici pourquoi !
Auteur architecte ou jardinier : une question de dosage !
Vous ne vous êtes reconnu dans aucun des deux profils ? Ou plutôt, dans un peu des deux ?
C’est normal !
Architecte, jardinier, ces termes sont des cases, des qualificatifs utilisés pour désigner une manière de travailler, parfois caricaturée. En réalité, on peut être 80 % architecte et 20 % jardinier, voire cinquante-cinquante !
Explications !
Et si vous étiez cuisinier ?
Être auteur architecte, c’est être à fond dans l’anticipation ;
Être écrivain jardinier, c’est adoré l’improvisation.
Sauf qu’entre ces deux extrêmes, il existe tout un tas de nuances et de profils différents. Et dans les faits, nous sommes rarement tout l’un ou tout l’autre, mais plutôt un savant mélange des deux.
Ce n’est pas parce que l’on a besoin d’espace pour improviser que l’on n’a pas l’usage d’une feuille de route pour avancer ! Un peu comme en cuisine, certains suivront la recette à la lettre, d’autres modifieront la quantité de sucre et d’autres changeront presque tous les ingrédients !
Eh bien, pour les auteurs, c’est la même chose !
Archinier et jarditechte : ces drôles d’espèces
De ce constat sont nés deux noms affreux (si, si ! avouez, archinier, ce n’est pas la classe !) qui montrent pourtant la nécessité d’introduire une nuance dans cette catégorisation.
D’un côté, les archiniers ; ces auteurs jardiniers qui fonctionnent avec une ébauche de cadre.
Entendez par là qu’ils peuvent anticiper les traits de caractère principaux de leurs personnages (nom, physique et problème, par exemple), de leur univers et parfois pousser jusqu’à prévoir les grands pivots de l’intrigue. Disons qu’ils utilisent des feuilles de route, peu complètes, afin de ne pas trop s’éparpiller. Leur écriture reste néanmoins basée sur l’improvisation. C’est de cette liberté d’imagination que nait l’essentiel de leur histoire.
De l’autre côté, les jarditechtes. Eux, à l’inverse, ont besoin d’un cadre. Ils vont planifier leur roman, mais… pas dans tous ses détails !
Comprenez que ce profil d’auteurs aime planifier, mais qu’ils cèdent une petite marge à l’improvisation, sans laquelle ils ont du mal à écrire. Par exemple, un jarditechte pourra user d’un plan, mais au lieu de détailler chaque scène, il ne prévoira que les grandes lignes de chaque chapitre ou de chaque partie du roman. Ces auteurs auront tout de même tendance à utiliser un cadre, comme des fiches personnages ou univers, mais ils y laisseront volontairement quelques trous afin que leur imagination puisse s’épanouir lors de l’écriture.
Une question de point de vue
Vous l’aurez remarqué, ces deux profils se ressemblent un peu ! Et pour cause : la différence tient dans le degré de cadre (fiches personnage, plan, etc.) utilisé.
Je m’explique.
Un auteur jardinier anticipe aussi son histoire. Au moins un petit peu. En effet, ce n’est pas parce qu’il ne remplit pas de fiches ou qu’il ne répartit pas ses idées dans un plan qu’il n’a pas du tout de vision sur son intrigue.
La plupart des auteurs un peu jardiniers ont tendance à visualiser des fragments de scènes, de personnages ou d’univers dans leur tête.
C’est leur façon à eux, non pas de planifier, mais de donner vie à leur histoire. L’écriture sert alors à fixer ces instants sur le papier et à leur donner une certaine réalité… rôle que jouent les fiches et les plans pour les architectes. C’est un peu comme si, le premier jet des jardiniers, correspondait à un mixte de la préparation et du premier jet des architectes.
D’ailleurs, quel que soit votre profil, vous remarquerez que tous les auteurs passent par les mêmes étapes pour aboutir à un roman fini ! Une sorte de préparation, qu’elle soit mentale ou planifiée ; imprécise ou rigoureuse, puis des relectures et corrections de fond, et pour finir, les corrections de forme.
Bref, fiches ou pas fiches, plan ou pas plan, c’est surtout une manière différente de s’organiser.
Une peur de s’enfermer !
Ce passage ne concerne pas tous les jardiniers, mais certains s’y reconnaitront peut-être.
Certains auteurs qui n’utilisent pas de plan, avouent pourtant qu’ils en ont un en tête, mais que le fait de ne pas le fixer sur le papier, leur permet une souplesse qu’ils ont l’impression de perdre en rédigeant un plan.
Pourtant, en interrogeant les auteurs architectes, on se rend compte que beaucoup modifient des passages entiers de l’histoire par rapport à ce qu’ils avaient noté et prévu.
Alors pourquoi cette différence ?
Eh bien, parce que pour certain·e·s d’entre nous, le passage par l’écrit ancre l’idée de façon définitive. Mais en réalité, rien n’empêche de modifier tout ou une partie du plan !
Second argument, auquel j’adhère assez, c’est la perte de temps : pourquoi passer des heures à rédiger un plan si c’est pour tout changer ?
La réponse tient en quelques mots : avoir sous le nez la direction que prend l’histoire pour éviter de trop s’éparpiller. Mais là encore, il ne faut pas voir cette direction comme un chemin absolu, inchangeable et absolu.
En clair, c’est à chacun de savoir ce qu’il tolère en termes de structure, ou plutôt, en termes d’indications et d’aide à l’écriture. (le mot structure impliquant déjà une certaine rigidité !)
Auteur architecte ou jardinier : un seul point importe !
Que vous mettiez par écrit vos idées ou que vous les gardiez en tête, le fond du sujet reste donc le même : nourrir son histoire et lui donner vie. Le reste n’est qu’une question de méthode.
Chacun étant différent, il n’y a, à mon sens, qu’une seule façon de procéder : la vôtre !
Trouver votre manière d’écrire est peut-être le seul point que vous devez retenir de ce débat ! Qu’importe votre profil d’auteur, tant qu’il vous convient et vous permet d’arriver à vos fins !
Car si vous passez moins de temps à planifier, vous compenserez en réécrivant davantage. Au final, votre histoire sera aussi aboutie !
Un profil d’écrivain changeant !
Dernier point, et pas des moindres : votre méthode d’écriture et votre profil évolueront. En fonction de votre expérience, du genre dans lequel vous écrivez, de vos envies et de vos peurs, vous ressentirez surement le besoin d’adapter votre façon d’écrire, voire de la changer complétement !
Peut-être utiliserez-vous un plan super détaillé pour écrire votre prochain roman policier et placer tous vos indices ?
Peut-être garderez-vous vos idées en tête pour votre quatrième roman de fantasy ?
Et c’est très bien comme ça !
L’écriture est un processus vivant. C’est ce qui la rend à la fois si belle et si complexe. On apprend souvent à se connaître à travers nos textes, tout comme nos récits évoluent avec nous. C’est pourquoi, lorsque l’on bloque, il faut garder l’esprit ouvert et accepter, parfois, de tester d’autres méthodes.
Au pire, cela ne fonctionne pas. Au mieux, vous êtes débloqué·e !
Un seul motus : restez flexible !
C’est d’ailleurs peut-être la leçon à retenir.
Que vous soyez pour les plans ou pour l’improvisation, ne rejetez pas les autres méthodes de façon catégorique.
Car à vouloir trop coller à ces étiquettes d’auteur architecte ou jardinier, certains écrivains se perdent et, un jour, au détour d’un nouveau roman, ils se retrouvent bloqués. Dans ces moments, gardez l’esprit ouvert.
Vous étiez jardinier jusqu’ici ? Peut-être que pour ce passage ou cette histoire, introduire un poil de préparation (des points de passage, par exemple) pourrait vous aider !
Ne refusez pas de tester d’autres méthodes, plus nuancées qui pourraient leur correspondre ! Essayez et concluez.
Ça pourrait fonctionner, ou non, mais vous aurez appris et grandis dans votre expérience d’auteur·ice !
Auteur architecte ou jardinier : peut importe !
Vous l’aurez compris, les architectes raffolent des plans, les jardiniers de l’improvisation, mais entre ces deux extrêmes, il existe autant de profils que d’auteurs et de romans différents.
Réfléchir à sa manière d’écrire, à ce qui développe notre créativité et facilite notre plume est une façon indéniable de progresser.
Alors plutôt que de chercher à coller à une méthode, trouvez le degré de nuance qui vous correspond à un instant T.
Vous n’aimez pas les plans trop stricts ? Ni avancer à l’aveuglette ? Avez-vous testé les feuilles de route ? Et les bullet points ?
Il existe une infinité de façons de s’organiser, de trier ses idées, d’écrire, tout simplement ! À vous d’utiliser ces débats pour piocher les astuces qui vous conviennent, quel que soit le nom que les autres lui donnent !
Alors n’oubliez pas : votre écriture évolue, vous changez, et vos méthodes aussi !
Dernier conseil pour la route : il faut aussi parfois se faire confiance et cesser de trop réfléchir ! Votre façon d’écrire vous convient ?
Parfait !
L’important est, et doit rester, le plaisir d’écrire !
Liens intéressants
Faites le test !
Vous n’avez jamais réfléchi à la méthode qui vous ressemble ? Et si vous faisiez le test ?
Avec le questionnaire suivant, je vous propose d’entamer, ou de revoir, votre réflexion sur votre profil d’écrivain !
Attention : Comme je l’ai dit dans cet article, vous seul pouvez déterminer la méthode d’écriture qui vous convient, à travers l’expérience et les essais ! Ce test vous propose seulement d’analyser la manière dont vous fonctionnez pour, éventuellement, vous ouvrir à d’autres méthodes d’écriture !
Liens utiles pour poursuivre votre réflexion
N’hésitez pas à fouiller sur internet, il existe pléthore d’articles sur le sujet ! J’en ai sélectionné deux pour vous :
https://midgardswriters.com/2018/02/deux-types-decrivains-etes-plutot-jardinier-architecte/
https://www.monde-fantasy.com/les-architectes-et-les-jardiniers-nexistent-pas/
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