Montrer plutôt que raconter

par Avr 12, 2023Techniques pour améliorer ton style !0 commentaires

Le show don’t tell, en anglais, est souvent recommandé aux auteurs débutants pour améliorer leurs textes ou aux plumes plus avancées pour dynamiser leurs récits. Derrière ce terme assez flou, se cache en réalité une technique narrative redoutable. Retour, donc, sur cette astuce écriture et les conseils parfois controversés qui y sont associés.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ caméra

Que signifie “montrer plutôt que raconter” ?

Comme l’indique son nom, le show don’t tell consiste à écrire en montrant au lecteur les différents éléments du récit, plutôt que de les lui raconter. Bon, formulé ainsi, c’est assez nébuleux, alors voici un exemple pour vous aider à saisir la nuance :

  1. Ria avait tendance à tout remettre au lendemain.
  2. Ria regarda voler un mouton de poussière, transporté par le vent qui s’engouffrait par la fenêtre ouverte du salon. Elle grimaça. Il aurait fallu qu’elle se motive pour passer l’aspirateur. Après tout, son appartement n’était pas très grand. Une petite dizaine de minutes suffiraient. Elle poussa un soupir. Sa journée avait été rude et elle n’avait aucune envie de quitter la chaleur de son plaid pour le ménage. Ça attendrait le lendemain.

Vous l’aurez compris, ces deux passages dépeignent la procrastination de Ria, mais si le premier est concis et explicatif, le second s’applique à exposer sa paresse par ses réactions et son inaction : c’est la technique du « MONTRER plutôt que RACONTER ». Pour résumer, elle consiste à embarquer le lecteur dans la scène plutôt qu’à la lui décrire d’un point de vue extérieur.

Quels sont les avantages de la technique du « show don’t tell».

Les avantages de cette technique sont nombreux. En voici quelques-uns :

Expérimenter le récit aux côtés d’un personnage.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ expérimenter aux côtés du personnage

Nous venons de le voir, pour montrer, il faut plonger le lecteur dans la scène. Par conséquent, on obtient un texte plus immersif que lorsqu’on se borne à énoncer des faits. C’est assez facile à concevoir : imaginez être fan d’un club de sport. Si je vous dis que votre équipe a gagné, vous serez content·e ; maintenant, si vous assistez à sa victoire ou que vous participez au match, votre joie risque d’être décuplée.

Une lecture plus active

Avec le show don’t tell, le lecteur doit faire l’effort d’interpréter le texte. L’émotion, par exemple, n’est pas clairement nommée. C’est à lui d’effectuer le travail, souvent inconscient, de comprendre ce que le personnage ressent à travers le sous-texte. Dès lors, il fournit un effort dans sa lecture, contrairement au « raconté » avec lequel il se contente d’accepter les faits, tels quels. L’expérience est donc plus active et vous aurez moins de chance de perdre votre lecteur par ennui si vous utilisez cette technique.

Exemple :

  1. C’était l’automne.
  2. Mathieu accéléra le pas en refermant les pans de sa veste. Devant lui, son souffle formait de petites volutes de vapeur blanches et il soupira. L’été lui manquait. Il porta un regard triste aux arbres presque dénudés du parc. Oui, ils rentraient déjà dans la mauvaise période.

Une scène plus vivante et un récit plus profond

Raconter les faits, c’est aller à l’essentiel : « Marie avait peur du noir. ». En revanche, pour montrer la même chose, vous devez rentrer dans les détails. Votre scène est donc plus riche et plus vivante pour le lecteur. Il lui est plus facile de visualiser ce qui se déroule. Les éléments physiques et les attitudes utilisées permettent de davantage développer un personnage ou un décor.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ des scènes plus vivantes

Démonstration :

  1. Marie avait peur des araignées. Comment réagit-elle ? Elle pourrait être pétrifiée ou au contraire être très nerveuse. Elle pourrait s’évanouir ou se sauver.
  2. Marie se mit à trembler dès qu’elle aperçut la mygale dans le terrarium. Qu’elle soit dans une prison de verre ne changeait rien. Ses huit pattes, ses multiples yeux et les poils rugueux qu’elle devinait sur son dos lui donnaient envie de fuir. Elle tenta de reculer. D’introduire de la distance entre elle et l’horreur. Mais, comme chaque fois, son corps refusa d’obéir et un gémissement s’échappa de ses lèvres.  

Un lecteur plus empathique

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ un lecteur plus empathique

Avec cette technique, le lecteur vit la scène en même temps que le personnage. Il traverse les mêmes émotions, les mêmes tensions que lui. Il lui est ainsi plus facile de s’identifier au personnage ou d’éprouver de l’empathie à son égard.

Observez l’impact sur ces deux phrases :

  1. Mitch tentait de fuir malgré le peu de chance qu’il avait de s’en sortir.
  2. Mitch accéléra. Il lui sembla que son cœur lâchait. Jamais il n’avait tambouriné aussi fort contre sa poitrine. Le stress, la peur, la course, le tuerait sans doute. S’il n’était pas rattrapé avant.

À cette pensée, il poussa plus fort sur les muscles de ses jambes. L’air brûlant lui arracha un râle. Tant pis. C’était fuir ou mourir.

Il courrait.

Un sentiment d’instantanéité

Tant que vous rapportez des faits, le lecteur a conscience du temps écoulé entre votre récit et l’action. En revanche, lorsque vous le plongez dans la scène, il a l’impression qu’elle se déroule en même temps que sa lecture. Ce sentiment d’instantanéité renforce l’immersion du lecteur.

Comment montrer plutôt que raconter ?

Maintenant que vous connaissez les avantages de cette technique, voyons comment réussir à la mettre en œuvre dans vos textes.

Voici donc 7 astuces pour vous y aider :

Planter le décor

Lorsque la scène est rapportée, peu de place est accordée au décor. Or celui-ci est essentiel pour montrer dans quel environnement évolue le personnage. Par conséquent, c’est aussi un bon angle d’attaque lorsque l’on essaie d’appliquer cette technique narrative. Réfléchissez au cadre dans lequel progressent vos personnages.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ planter le décor

Quels sont les éléments notables ? Quel temps fait-il ? Y a-t-il du monde autour de lui ?

Les détails

Pensez aussi aux détails moins remarquables dans vos descriptions. En effet, si l’action se déroule dans une rue, le lecteur sera capable de visualiser les éléments globaux assez facilement : une route goudronnée, un trottoir, des immeubles de chaque côté, etc. En revanche, si vous mettez en avant une devanture particulière, une odeur alléchante, un mime immobile, il aura l’impression d’un décor extrêmement riche, car il pourra compléter son idée de base par ces nouveaux points.

Exemple :

  1. Josh avançait à vive allure dans la Grande Rue du centre-ville. Les bâtiments défilaient dans la périphérie de sa vision, sans qu’il y prête attention. Il y avait du monde.
  2. Josh manqua de trébucher sur un pavé qui dépassait au milieu de la chaussée. Il pesta. Décidément, il n’aurait pas dû emprunter la Grande Rue. Il ne cessait de se cogner aux passants qui flânaient comme des idiots, s’arrêtant sans prévenir devant les vitrines des magasins. Ah ! et cette fichue odeur de friture qui lui donnait envie de vomir ! Comment pouvait-on aimer les churros ? Il accéléra le pas et dépassa un attroupement. Le mime, qui trônait au milieu, parfaitement immobile, lui adressa un clin d’œil bizarre et il grogna. Il détestait vraiment le centre-ville.

La perception du personnage

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ la perception du personnage

Pour plonger le lecteur dans la scène et mettre en évidence les émotions d’un personnage, rien de mieux que de songer à la façon dont le personnage perçoit son environnement. Les réactions dudit personnage permettront de dépeindre son tempérament, ses goûts et qui il est, bien plus surement qu’une brève description.

Vous pouvez d’ailleurs utiliser cette technique pour caractériser vos personnages et les présenter au lecteur sans passer par la description basique et un peu ennuyeuse du genre : « Kimi était belle. »

Voici une idée de présentation d’un personnage :

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ café

La porte du café s’ouvrit sur un coup de tonnerre. Les habitués tournèrent la tête vers la silhouette trempée qui venait de pénétrer dans leur antre. Quelques sifflets discrets se firent entendre lorsque l’inconnue releva le visage. Elle avait des yeux d’un vert émeraude, saisissants.

— Puis-je m’installer ici ? demanda-t-elle d’une voix douce.

Le patron eut un sourire charmeur et se précipita pour débarrasser la seule table libre.

— Bien sûr. Je dois avoir une serviette en réserve quelque part, si vous voulez vous sécher.

— Merci.

À la table voisine, quelqu’un ricana. Tim n’était pourtant pas du genre aimable avec les nouveaux venus. J’adressais un geste discret à la femme qui sursauta.

— Martin ! Je ne t’avais pas vu !

Elle s’installa face à moi et dix paires d’yeux jaloux brûlèrent aussitôt ma peau.

Les 5 sens

Introduisez des détails sensoriels pour enrichir la scène. Plus vous jouerez avec les cinq sens, plus vos personnages auront des possibilités d’interaction et plus votre séquence paraîtra réaliste. De plus, votre lecteur visualisera mieux le déroulé du récit et le décor.

Exemple :

  1. Aimy flânait dans les rues de Paris.
  2. Aimy leva la tête vers le sommet de la tour métallique, éblouit par le soleil de midi qui se reflétait sur la structure. La tour Eiffel était encore plus majestueuse en vrai que sur les photos de John. Elle continua sa route pour arriver sur les quais de la Seine et sourit. C’était un rêve d’enfant qui se réalisait.

Vous souhaitez apprendre à écrire des descriptions captivantes grâce aux cinq sens ? Par ici !

Les dialogues

Les dialogues permettent de transmettre des informations sans passer par un paragraphe explicatif ennuyeux.

Vous pouvez aussi les utiliser pour dévoiler le caractère de vos personnages grâce à leur ton, la manière dont ils répliquent ou le registre de langue employé. D’ailleurs, une fois que le lecteur connaît le tempérament d’un personnage, il saura repérer si ses réactions varient subitement et en tirera les conclusions logiques contenues dans les sous-textes.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ dialogue

Pour plus de détails ou d’exemple sur l’usage des dialogues, je vous invite à consulter l’article consacré à ce sujet juste ici.

L’interprétation

Ce conseil coule de source avec la nature même de cette technique littéraire, mais un petit rappel ne fait pas de mal. Lorsque vous exposez la scène au lecteur, vous choisissez ce qu’il voit et ce qu’il ne perçoit pas. J’insiste sur le CHOIX. Vous ne pourrez pas tout lui mettre sous le nez, sous peine d’écrire un pavé, peu digeste, et de l’ennuyer. Par conséquent, quand vous décidez de MONTRER, il vous faut accepter de ne pas TOUT décrire et de laisser de l’espace à l’imagination du lecteur.

Si cela peut vous aider, dites-vous que, même en détaillant absolument tout, il n’aura jamais en tête une image identique à la vôtre. C’est le principe de la lecture : chacun interprète et se représente l’histoire à sa façon.

Eh bien, pour MONTRER, c’est pareil. En prendre conscience vous servira à orienter la manière dont vous dépeignez la scène et où vous donnez de la liberté à votre lecteur.

Le choix des verbes

Je vous ai déjà parlé de l’impact des verbes faibles sur les textes. Pour rappel, ils ont tendance à alourdir et à ternir les scènes. C’est pourquoi, choisir d’employer des verbes dits « riches » ou « forts » est aussi nécessaire dans le show don’t tell. En effet, ces verbes coloreront davantage vos descriptions et vous aideront à rendre vos passages « montrés » encore plus vivants.

Pour les exemples, je vous laisse lire l’article sur le sujet, juste ici.

Des personnages précis

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ des personnages précis

Montrer plutôt que raconter permet notamment de caractériser vos personnages de façon indirecte. C’est-à-dire qu’au lieu de décrire le tempérament d’un personnage ou sa manière d’agir dans certaines circonstances, vous écrivez une scène qui met cet aspect de sa personnalité en avant.

Démonstration :

  1. Jeanne était douée avec les enfants.
  2. Jeanne s’accroupit auprès de l’ainée, seule petite à être encore éveillée :

— Tu ne dors pas ? s’enquit-elle, étonnée de le découvrir debout au milieu du couloir.

Mégane secoua la tête.

— Z’ai fait un cauchemar.

— Oh ! Ça arrive. Tu veux me le raconter pendant autour d’un verre de lait chaud.

— Vi.

— Allez, viens. Tu verras, ça ira mieux après.

Elles n’étaient même pas parvenues en haut des escaliers que des hurlements retentirent. Jeanne se précipita vers la chambre voisine et aperçut Hervé et Gus, terrorisés dans leurs lits, les larmes aux yeux.

— Là, là, ce n’était que des mauvais rêves, murmura-t-elle d’une voix douce. Que diriez-vous de venir boire la potion de bonne nuit avec votre sœur avant de retourner vous coucher ? Avec une petite histoire peut-être ? J’en connais une qui vous fera songer à de belles choses.

Les trois enfants hochèrent la tête de concert et elle sourit. D’ici à dix minutes, ils seraient tous de retour au lit.

L’action

C’est peut-être le conseil le plus important : passez par l’action pour montrer votre scène, car dès lors que votre personnage agit, vous sortez de la description pure et dure.

Exemple :

  1. Jacques était un menteur.
  2. Présentez Jacques en train de mentir :

Jacques s’approcha du comptoir et arrondit ses yeux.

— Bonjour madame, dit-il d’une voix plus aigüe qu’à l’accoutumée, une place moins de douze ans pour le film en salle 3, s’il vous plait.

— Tu es tout seul ?

— Oui, j’ai 11 ans. Je suis assez grand.

La caissière leva un sourcil suspicieux.

— Puis-je voir ta carte d’identité, s’il te plait ?

— Oh ! Je l’ai oubliée, s’exclama-t-il après avoir fait semblant de chercher.

— Donne-moi ton année de naissance alors, soupira-t-elle.

— Je… euh…

— 2010 ?

— Oui, c’est ça !

— Donc tu as 13 ans et non 11 ?

— Hein ? Euh non, je… je suis né en… en… 2012 !

— Ah. Dans ce cas, le film que tu veux voir est interdit aux moins de douze ans, car il est trop violent. Mais je peux te proposer le nouveau dessin animé…

— Bon OK, vous avez gagné, la coupa-t-il avec sa voix normale. Une place moins de seize ans, s’il vous plait.

La caissière sourit avec ironie.

— Sept euros, s’il te plait.

De la même façon, tu peux montrer le décor en utilisant les déplacements de ton personnage et ses mouvements.

Au lieu d’écrire : « Le comptoir de l’hôtel était poussiéreux. » tu peux tenter : « Edisson s’approcha de l’accueil et appuya sur la petite sonnette dorée qui trônait sur le comptoir. Il retira ses doigts avec une grimace de dégoût. L’hôtel ne devait pas héberger grand monde, s’il en jugeait la trace noire qui ornait désormais le bout de son index. »

L’angle de vue

Dernier conseil : jouer sur le point de vue.

Pour plonger le lecteur dans la scène, rien de mieux qu’un point de vue interne ! Si ce n’est pas obligatoire, opter pour focalisation interne vous facilitera le passage du raconté vers le montré. Et pour cause : il est bien plus aisé de montrer les sentiments et les perceptions d’un personnage lorsqu’on regarde l’intrigue à travers ses yeux ! Vous pouvez ainsi exposer ses émotions au travers de la ponctuation ou du rythme des phrases.

Cependant, rien ne vous empêche de montrer en restant au point de vue externe ou omniscient ! Vous pouvez d’ailleurs recourir à cette focalisation pour jouer sur l’ironie dramatique : votre personnage ne comprend pas ce qu’il voit, le lecteur, lui, a l’explication. Mais c’est une autre méthode, sur laquelle je reviendrai dans un futur article !

Comment savoir si votre récit utilise la technique du show don’t tell ?

Un test assez simple peut être réalisé : celui de la caméra.

Relisez votre texte et demandez-vous si un objectif pourrait filmer ce que vous avez rédigé. (Considérez que votre caméra est en 5D et peut détecter les odeurs, toucher les éléments, etc.)

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ le test de la caméra

Ce n’est pas le cas ? Vous avez raconté la scène. En effet, sans description précise, la caméra, comme le lecteur, aura plus de mal à se représenter le scénario !

Petite démo:

Raconté :

Fergus le sorcier sadique vivait dans la capitale du royaume et était craint de tous.

La caméra peut-elle voir ça ? Pas vraiment. Il lui manque des détails. À quoi ressemble la capitale ? Les rues sont-elles goudronnées, pavées, en montées ? À quelle époque se situe-t-on : période médiévale, dans le futur, à la renaissance, etc. ? Quel est l’apparence de l’ensorceleur ? Comment se manifeste cette peur ? Qui le déteste et pourquoi ? Le « tous » représente-t-il le peuple ? Les riches ? Le royaume entier ?

Montrer :

Pour montrer cette phrase, la caméra doit planter le décor et préciser le sens des mots :

Fergus descendit les vingt étages de la tour-prison. Un sourire sadique tordait ce qui lui restait d’un visage. Ses lèvres, à moitié mangées par une tache sombre, formaient un gouffre dans lequel venaient serpenter les nombreuses balafres laiteuses qui lui rongeaient la peau. Parvenu dans la rue, sa grimace s’agrandit. Ils s’étaient tous planqués. Les paysans, les marchands, les vermines. Personne ne voulait finir dans son laboratoire. Et pourtant, ils n’auraient pas le choix.

Il s’avança d’un pas lent, jouant avec les nerfs des habitants. Il aurait pu saisir le premier inconnu et fuir leur haine, mais il éprouvait un certain plaisir à les observer se terrer comme des rats. Un volet claque sur son passage. On aurait pu croire que le vent l’avait repoussé, mais le bref mouvement derrière le carreau prouvait l’intervention humaine. Il s’arrêta devant la boulangerie, attiré par l’odeur de pain frais. Personne. Parfait, il pouvait donc se servir. Il sélectionna la plus belle miche et ricana. Les pains restants feraient tomber malades leurs malheureux futurs acquéreurs.

Il s’apprêtait à ressortir quand il perçut un faible gémissement.

Tout son corps se contracta. Le cobaye idéal. Une enfant.

— Je te choisis, croassa-t-il d’une voix immonde.

Un immense sourire aux dents pourrissantes craquela sa peau tandis que résonnait le hurlement de la mère.

Dans cet exemple, j’ai directement incorporé les cinq sens, mais tu peux commencer par dépeindre uniquement ce qu’une véritable caméra pourrait enregistrer : l’image et le son. Puis, reprendre l’exercice en ajoutant les autres sens.

Doit-on toujours montrer plutôt que raconter ?

Depuis le début de cet article, je vous vante les mérites du show don’t tell, mais faut-il toujours montrer plutôt que raconter ?

Vous vous en doutez, la réponse est NON !

Explication.

Montrer plutôt que raconter : une technique gourmande en mots !

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ un texte rallongé

Vous l’aurez peut-être remarqué à travers les divers exemples : montrer implique d’écrire davantage. En effet, impossible de détailler sans étendre un peu le texte. Or, parfois plus court est synonyme de mieux. L’économie de mots est donc la première raison pour préférer le « raconté » ! Ce qui nous emmène au point suivant.

Quand favoriser le raconté ?

Vous l’aurez compris, on peut choisir de décrire un passage, s’il n’est pas très important ou qu’il n’est pas nécessaire de rentrer dans les détails :

C’est le cas des transitions :

Les sauts dans le temps et le passage des saisons prendraient des pages à écrire quand une simple phrase suffit à saisir l’idée.

Exemple :
  • Un mois s’écoula avant que…
  • Ils marchèrent quinze jours durant.
  • Le mois d’avril arriva à une vitesse faramineuse.
  • L’automne céda la place à l’hiver.
  • Etc.

Les scènes de vie banales :

Exemple :
  • Elle s’habilla : il est peut-être superflu de la montrer en train d’enfiler son pantalon, puis son T-shirt et son pull, sauf si cela a une importance.
  • Elle se coiffa. Même réflexion.
  • Elle se lava : ici aussi, le déroulé de sa douche n’intéresse pas le lecteur, à moins qu’il ne survienne un événement majeur dans le bain !
  • Elle engloutit son repas : idem, vous n’allez pas détailler chaque bouchée !
  • Ils se saluèrent. Inutile de montrer chaque personnage du groupe en train de serrer la main aux autres ! (Encore une fois, sauf si cela a de l’importance dans l’histoire)
  • Etc.

Les scènes qui se répètent :

J’entends par là, les scènes où votre personnage est amené à réaliser plusieurs fois la même tâche.

Exemple :

Marie se pencha sur la première couchette et déposa un bisou sur la joue de la fillette.

— Bonne nuit, Gertrude, souffla-t-elle.

Puis, elle opéra de même pour la quinzaine de lits du dortoir.

Montrer la scène de la première bise peut être nécessaire. En revanche, vous n’allez pas réécrire quinze fois cette action jusqu’à ce qu’elle ait fait le tour de la pièce !

 Votre personnage participe à un tournoi de sport ? Il est peut-être préférable de ne montrer qu’un match, le plus important, au risque sinon d’ennuyer votre lecteur !

Montrer plutôt que décrire : une question de rythme du récit ?

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ le rytme du récit

Pour montrer, vous incorporez des détails, rallongeant ainsi le texte. Le lecteur est pris dans la scène et a une impression d’immédiateté. Tous ces éléments participent à ralentir le récit.

À l’inverse, lorsque l’on raconte, on fait une sorte de raccourci narratif et l’on va directement à l’essentiel. Le récit accélère.

Ainsi donc, vous devez choisir entre « montrer » et « raconter » en fonction de l’intérêt de la scène, du rythme que vous voulez donner au récit et de votre volonté d’engager le lecteur dans le passage ou, au contraire, de l’en tenir éloigné.

Montrer plutôt que raconter : une question de relecture ?

Durant le premier jet, il pourra arriver que vous ne parveniez pas à montrer une scène. Cette phase d’écriture requiert déjà beaucoup de vigilance. Rajouter un point peut vous perdre ou vous bloquer.

Dans ce cas, ne vous focalisez pas sur cette technique du show don’t tell. Vous ne réussissez pas pour l’instant ? Vous reviendrez dessus, si besoin, à la relecture. L’essentiel lors du premier jet reste de faire avancer l’histoire : ne négligez donc pas le raconté !

Montrer plutôt que raconter : une question d’équilibre ?

Nous l’avons vu, les deux méthodes ont leurs avantages et c’est à vous, en tant qu’auteur, de déterminer quand utiliser l’une ou l’autre des options. D’ailleurs, il s’agit souvent de faire un mixte des deux et de mélanger les parties qui relatent les faits, et celles qui les dépeignent.

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ une question d'équilibre

Rappel : il n’existe pas de règles précises

Enfin, ne vous prenez pas trop la tête. La technique du « montrer plutôt que raconter » a beau posséder des avantages, il n’existe pas de règles précises pour écrire un roman ! La seule chose qui importe, c’est de savoir si le lecteur accroche à votre histoire ou non.

Votre manuscrit intéresse des lecteurs ?


Ça suffit. Vous aurez tout le temps de vous améliorer sur cette technique sur vos prochains récits !

Exercices pour s’entrainer

Apprendre à montrer les émotions

abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ montrer les émotions

Voici une liste d’émotions. Pour chacune, choisissez un personnage et une situation. Faites agir votre personnage de façon à ce que le lecteur comprenne ce qu’il ressent, sans JAMAIS nommer l’émotion en question.

  • La colère ;
  • La peur ;
  • La tristesse ;
  • La honte ;
  • La haine ;
  • La joie ;
  • L’incrédulité ;
  • Etc.

Exemple avec la colère.

Pour le modèle, prenons Gus, un chat, qui n’a pas eu son pâté.

« L’humain n’est toujours pas rentré. J’ai faim. Marre qu’il traine dehors à rien faire. J’ai envie de manger moi ! Et puis, à chaque fois qu’il revient, il cuisine pour lui et je passe après. Neuves heures que j’attends.

Ah ! J’entends la porte. Il arrive !

— Thibaut ! Je suis content que tu sois là, lui dis-je en me frottant contre lui. Un peu plus et je mourrais de faim !

Bah ! qu’est-ce qu’il fait ? C’est qui celle-là ? Arg, mais bat les pattes ! Non ! Pose-moi par terre ! Maintenant ! Ah ! En plus, elle pue le parfum ! Mon ventre ! On ne touche pas mon ventre !

— Sssssssh ! Va-t’en !

Comment ça, je suis un mauvais chat ? Je feule si je veux ! C’est elle qui a commencé ! Je t’y verrai bien, toi ! Bon, et mon pâté, il vient ?

— J’ai faimmmmmmm ! Je vais mourir de famiiiiiine ! Ehooooh ! je miaule.

J’y crois pas ! Ils m’ignorent ! Beurk, il essaie de le croquer ? Et moi alors ! Bah voilà, qu’est-ce que je disais ? Il se sert d’abord. Je vais lui faire payer. Après tout, s’il peut la manger, moi aussi !

Mais c’est qu’il me fâche en plus ! Je lui ai fait mal ! Bah oui ! Je goûte ses mollets !

Privé de pâté ? J’ai bien entendu ?

Il va voir de quel chat je me chauffe moi !

Eheh.

Il est où le sac à main de l’autre folle ?

Ehehehe.

Ah !

Ça fait une bien meilleure litière que mon bac ! Voilà, on gratte un peu pour l’odeur. PAR-FAIT !

Bon et maintenant, je pars bouder ! Et qu’il ne vienne pas me supplier de redescendre : c’est bien fait pour lui ! Nah ! »

Exercice 2 : Présenter un personnage en le montrant !

Pour cet exercice, choisis un personnage. Note ses caractéristiques morales et physiques. Réfléchis à la manière dont tu pourrais les exposer via une scène et rédige un petit texte :

  1. À travers ses propres yeux ;
  2. Via le regard d’un autre personnage ;
  3. Dans un dialogue ;
  4. Via une action.

Exemple :

Martine : nerveuse, hypocondriaque et arachnophobe.

Cas n°1 :

Elle avança prudemment jusqu’au comptoir de la pharmacie, prenant garde à ne pas renverser les multiples flacons des étagères. Plus qu’un personnage avant elle. La boule qu’elle avait au ventre se comprima et elle se força à inspirer un grand coup. La gérante n’allait pas la manger, si ? Quoique. Sophie lui avait dit la semaine dernière qu’une apothicaire s’était moquée de son ordonnance. Or, elle, elle n’avait même pas de prescription. Juste ce gros bouton qui l’inquiétait. Mais c’était surement grave. Elle l’avait lu sur internet.

La femme appela son numéro et elle s’avança, les mains serrées dans le dos pour masquer leur tremblement. Elle allait ouvrir la bouche pour répondre à sa salutation, lorsqu’elle vit l’araignée sur le comptoir. Elle se figea sur place, les yeux exorbités, incapable de prononcer un mot ou de s’enfuir.

Cas n°2 :

Martine leva les yeux vers la petite silhouette nerveuse qui venait de pénétrer dans sa pharmacie. Une jeune femme assez anxieuse, qui regarda par-dessus son épaule. Elle prit le temps de l’observer. Il arrivait que certaines personnes trouvent refuge dans son établissement pour appeler les secours et elle préférait garder celle-ci à l’œil. La nouvelle arrivée s’approcha du distributeur, s’essuya les mains à plusieurs reprises, puis saisit un ticket entre deux doigts comme si elle risquait de se couper.

Bon, à priori, elle n’était pas en danger immédiat. La pharmacienne reporta son attention sur son client. Son ordonnance était longue et elle dut faire un effort de concentration — on était un vendredi à 18 h 45 — pour lui rapporter chacune des dix boîtes de sa prescription. Après un rapide aller-retour dans la réserve, elle put enfin l’encaisser et appeler la personne suivante.

Ah ! La petite dame. Très nerveuse, elle s’était mise à trembler. Martine la salua donc avec toute la gentillesse dont elle était encore capable. Mais au lieu de lui répondre, la femme se figea. Son teint pâlit brusquement et elle écarquilla des yeux terrifiés. Elle avait peur d’elle !

Cas n°3 :

— Numéro soixante-dix ! lança Martine depuis son comptoir.

— C’est… c’est… m… moi, bégaya une jeune femme, le regard fuyant.

— Bonjour, madame, que puis-je faire pour vous ?

Sa cliente se figea sur place, yeux écarquillés, bouche ouverte.

— Madame ? Tout va bien ? s’inquiéta-t-elle.

Pas de réponse.

— Madame ?

D’un bras tremblant, la femme désigna la minuscule araignée qui gambadait sur le comptoir.

— Ah, je vois. Attendez. Je la mets dehors. Voilà ! Ça va mieux ? Vous êtes sacrément arachnophobe, dites donc !

— Ou… oui.

— On ne contrôle pas ses phobies, compatit-elle. Moi, c’est les serpents ! Bon, c’est plus rare, mais je réagis comme vous !

La cliente hocha la tête, nerveuse.

— Comment puis-je vous aider ?

— Je… J’ai… j’ai un énorme bouton sur le bras. Je… Ça m’inquiète. Je pense que c’est une tumeur. Est-ce que je vais mourir ?

Décontenancée par la question, Martine recula. La femme était visiblement paniquée. Elle devait être douce :

— Je vais jeter un coup d’œil, ça vous va ? Mais honnêtement, ça m ’étonnerait qu’il s’agisse d’une tumeur.

Cas n°4 :

J’ai déjà inclus une action dans les trois premiers exemples, je te laisse inventer le tien ! 😊

Exercice 3 : Montrer dans les descriptions

Choisissez un paysage ou prenez l’un des lieux suivants. Présentez cet endroit en le montrant, plutôt qu’en le racontant.

Lieux :

  • Un manoir abandonné (et hanté ?) ;
  • La capitale d’un royaume de fantasy ;
  • Un chalet sous la neige ;
  • Le hall d’un vieil hôtel poussiéreux ;
  • La chambre nuptiale d’un hôtel cinq étoiles ;
  • Une gare du futur ;
  • Un chemin menant au sommet d’une immense montagne où se trouve une source sacrée ;
  • Un monastère priant un Dieu du soleil ;
  • La salle de banquet d’un château.
abc d'écriture_ montrer plutôt que raconter _ hall d'hôtel

Le hall poussiéreux d’un vieil hôtel.

Erwan poussa les lourdes portes en bois qui s’ouvrirent en grinçant et pénétra dans le hall du bâtiment. Un seul coup d’œil lui suffit à se faire une opinion du lieu et il s’avança en soupirant vers le fond de la salle. Ce n’était pas encore aujourd’hui qu’il retrouverait le luxe auquel il était habitué. Ses pieds claquèrent sur les dalles de marbre lorsqu’il s’approcha du comptoir, rompant le silence oppressant qui régnait là. Il frissonna. Avisant une sonnette, il l’activa en grimaçant. Une substance moite la rendait gluante et il préféra détourner le regard. Toujours personne autour de lui. Ses yeux tombèrent sur l’empreinte que ses pas avaient laissée derrière lui. Finalement, il dormirait ailleurs.

Conclusion

Le show don’t tell est une technique narrative qui consiste à immerger le lecteur dans une scène, en lui montrant le déroulé des événements plutôt que de les raconter de loin.

Cette astuce est pratique, car elle augmente le réalisme du passage grâce à l’ajout de nombreux détails et implique directement le lecteur, autant sur le plan émotionnel, qu’intellectuel. En effet, plongé au cœur de l’action, il ressent plus facilement de l’empathie pour les personnages. De plus, il doit interpréter leurs réactions et comportements pour comprendre leur personnalité et leurs sentiments cachés dans le sous-texte. Il reste donc actif et évite l’ennui.

Montrer permet également de créer plus de nuances pour la scène et de développer davantage certains personnages.

Pourtant, malgré tous ses avantages, cette technique n’est pas à employer tout le temps. Pour les passages moins importants ou pour accélérer le rythme du récit, il est dans certains cas profitable de rapporter certains faits, plutôt que de les montrer.

Encore une fois, le show don’t tell est un outil narratif. C’est à l’auteur de trouver dans quelle mesure il souhaite l’utiliser, car il n’y a pas de règles précises en écriture !

Bref, ne vous mettez pas trop de pression : l’essentiel reste que vos lecteurs accrochent à votre histoire !

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Bibliographie

Comme d’habitude, voici les sources sur lesquelles je me suis appuyée. Elles sont majoritairement en anglais, puisque ce sont d’abord les auteurs anglophones qui ont parlé de ce thème. Bonne lecture !

https://www.masterclass.com/articles/how-to-write-effective-exposition

https://blog.reedsy.com/show-dont-tell/

https://prowritingaid.com/show-don-t-tell

https://www.laparentheseimaginaire.com/ecriture/show-dont-tell-le-secret-pour-rendre-un-roman-vivant

https://writers.com/show-dont-tell-writing

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