Vous pensiez les dialogues simples à écrire ? En êtes-vous si certain·e ?
Beaucoup d’auteur·ice·s déchantent lorsqu’ils relisent leurs textes. Dialogues irréalistes, contenus inintéressants, répétitions d’idées et lourdeurs, les défauts ne manquent pas !
C’est pourtant à travers les dialogues que nous apprenons à connaître les personnages ! Donc, rater ces dialogues peut gâcher l’expérience de lecture.
Alors, voilà 10 astuces, toutes simples, pour un dialogue réussi !
Astuce n°1 : un dialogue réussi apporte des informations
Première astuce pour réussir ses dialogues : leur donner une utilité !
Le dialogue casse le rythme du récit et donne la parole directement aux personnages de l’histoire. Il a donc un rôle majeur dans le texte. Le réduire a un simple échange de banalité, c’est manquer un outil essentiel à la narration.
À ce sujet, deux problèmes reviennent souvent à la relecture des dialogues :
- Une idée, déjà évoquée précédemment, est redonnée par un personnage lors d’un échange. L’information est redondante : le lecteur s’agace.
- Les personnages parlent pour ne rien dire. Ici, les personnages échangent des formules de politesse ou discutent de banalités, sans aucun intérêt pour l’intrigue ou leur relation. Le lecteur s’ennuie.
Pour éviter de perdre le lecteur, utilisez vos dialogues pour faire passer une nouvelle information.
Par exemple :
- L’échange montre l’évolution de la relation entre les personnages ;
- L’un d’entre eux apporte un nouvel élément : c’est une révélation (attention : j’insiste sur le « nouvel » !)
- Le dialogue tend les prémices d’un conflit ou d’un désaccord qui pourrait gênait le héros dans sa quête ;
- L’échange permet de comprendre ce que ressentent les personnages ;
- De placer une atmosphère ;
- De montrer le comportement et le caractère des personnages ;
- Etc.
Bref, le dialogue apporte une nouvelle information.
Astuce n°2 : trêve de bavardage pour un dialogue réussi
Je sais, vous voulez que vos dialogues soient réalistes. Alors, pourquoi ne simplement recopier ce que serait cet échange dans la vraie vie, avec son lot de bavardages, de formules de politesse et autres répliques « pour ne rien dire ».
Si vous avez lu le paragraphe précédent, la réponse vous sautera aux yeux : un dialogue doit apporter des informations.
Est-ce que cela signifie forcément retirer toutes les formules de politesse et autres banalités ?
Pour moi, oui, en grande partie, car ces bavardages alourdissent le texte.
Dialogue avec du bavardage “inutile” :
— Salut, Frank ! dit Marc, son collègue.
— Hey ! Ça fait un moment !
— Ça va ?
— Bien, à part cette fichue pluie, je devais aller courir ce soir, et toi ?
— Ça va. Tu sais pas ce que j’ai appris ? Ils font des réductions de postes demain !
— Je sais, c’est moi qui ai dû gérer le problème… Je suis le chef des R.H., je te rappelle.
Ce dialogue n’est pas très réussi, n’est-ce pas ?
Lisez maintenant, le même dialogue, réécrit pour limiter les bavardages :
— Put..n Frank ! T’as entendu la nouvelle ? s’exclama Marc en pénétrant en coup de vent dans le bureau de son collègue. Demain, l’patron, il fait sauter 15 postes !
— Je sais… soupire l’homme en désignant la pancarte « R.H. manager » sur sa porte. J’étais le premier au courant.
L’homme se recule sur son siège, évitant le regard de Marc.
— Ferme la porte stp. Il… il faut qu’on cause.
Un peu mieux, non ?
Dans le premier dialogue, les personnages échangent des formules de politesse, des banalités. Or, si ces formules sont obligatoires en société, dans un roman… elles peuvent vite agacer le lecteur !
Personne ne souhaite se farcir cinq minutes d’introduction à chaque fois que deux personnages se rencontrent !
Non, nous voulons tous que l’histoire avance !
Par conséquent, limiter les bavardages, c’est aider votre lecteur à rester concentré sur l’histoire.
En pratique, comment éviter les bavardages pour dialogue réussi ?
Mon premier conseil est donc de limiter, lorsque ce n’est pas utile, l’apparition de ces échanges de politesse.
Deux techniques pour cela :
- La première consiste à changer la manière dont les personnages se rencontrent, comme je l’ai fait ici. Au lieu de se serrer la main, se faire la bise, bavarder, ils peuvent se rentrer dedans, se prendre la tête, etc. Mais nous sommes bien d’accord, utiliser cette technique à tous les dialogues ne fera pas très naturel.
- La seconde astuce, qui vous servira donc le reste du temps, est simple : commencer votre dialogue plus tard que prévu !
Exemple : Pour illustrer ce dernier point, reprenez le second dialogue dans l’exemple ci-dessus. Il commence avec la question de Marc et non les formules de politesse. L’employé est déjà dans le bureau du RH. Cela crée une tension narrative supplémentaire : pourquoi Marc est-il là ? Quelle est la nouvelle qu’il va annoncer ? Est-elle bonne ou mauvaise ?
De plus, on a directement l’information que Marc et Frank sont amis, vu la façon qu’a le premier de rentrer dans la pièce. (Ou alors, il est sacrément mal élevé !)
Dernier point positif, en commençant au cœur de la scène, l’imagination du lecteur est stimulée, car il doit comprendre comment les personnages en sont arrivés là ! C’est donc un point positif : un lecteur actif est un lecteur qui ne s’ennuie pas !
Faut-il éliminer toutes les banalités ?
Non ! Comme d’habitude, la nuance est la clé.
À mon avis, la majorité de ces passages peuvent sauter. En revanche, il peut être intéressant de les garder dans les situations suivantes :
- Les banalités servent à montrer une relation particulière entre deux personnages : tension inhabituelle, respect nouveau, etc.
- Elles indiquent les usages de la société dans laquelle évolue le personnage ;
- Enfin, elles donnent une information que le lecteur ne possédait pas jusqu’ici.
Les banalités pour mettre un comportement inhabituel en avant :
Ruth et Bess sont meilleures amies depuis qu’elles ont 3 ans. Le mois dernier, Ruth a voulu inviter Bess a un concert le jour de son anniversaire, mais son amie a décliné, car elle serait en vacances en famille. Or, la veille, Ruth a appris que c’était un mensonge et lui en veut. Voici la scène, le matin même, dans les couloirs du lycée.
— Hey, salut Ruth ! Dis pourquoi…
— Bonjour.
— Bonjour ? T’es sûre que ça va ?
— Bien. Et toi ?
Bess cligne des yeux.
— Qu’est-ce qui te prend ? Pourquoi t’évites mes messages ?
Vous voyez l’idée ?
Vous avez du mal à éliminer les bavardages ?
Dans un roman, l’auteur choisit ce qu’il veut montrer ou non au lecteur. Ce qu’il tait permet au lecteur de rester actif. En effet, si le dialogue laisse des éléments de flou (ici, les salutations, par exemple), son imagination complétera le tableau dans son inconscient. Par conséquent, il devra fournir un effort, certes inconscient, et ne s’ennuiera pas ! C’est le même principe qu’avec les descriptions.
Astuce n°3 : un dialogue réussi aide à comprendre les personnages
Les dialogues permettent d’en apprendre beaucoup sur vos personnages.
C’est à travers leurs échanges avec les autres que votre lecteur apprendra à connaître leur tempérament, la manière dont ils interagissent, dont ils se comportent. D’ailleurs, dans la vie, 37 % de la communication passe par le ton de notre voix, la manière dont nous parlons !
Eh bien, c’est la même chose pour tes personnages !
C’est la raison pour laquelle, les dialogues sont essentiels pour caractériser vos personnages.
Jouer sur ces codes permet de rendre vos personnages uniques et reconnaissables, même sans incises.
Voici quelques idées :
- Leur manière de parler : accent, tics de langages, expressions, etc.
- Leur registre de langue : soutenu, grossier, enfantin, etc. qui donnera des indices aux lecteurs sur l’environnement dans lequel le personnage a grandi et évolue désormais.
- Leurs façons d’interagir avec les autres : avec agressivité, politesse, retenue, humour, sarcasme, etc.
- La longueur de leur tirade : un bavard ou un extraverti ne parlera pas comme un timide ou quelqu’un qui se sent menacé.
- Leur silence ! Car les moments où ils se taisent peuvent en dire autant que les moments où ils réagissent.
Exercice : devine quel personnage parle pour chacune des tirades ci-dessous :
- — Qu’echt-che-qui m’ve le ch’tiot ? Hein ? Moi chais pas lire, chais pas compter, alors vin’ pas m’embêter !
- — Nan ! Veux pas rentrer ! Ze veux jouer ! Encore !
- — Charles-Edouard, je vous prie de bien vouloir cesser de vous agiter et de redresser vos épaules. Votre mère arrive.
- — Rah pu..ain ! Tu me saoules ! Je t’ai répété quinze fois comment tu devais faire !
Voici les quatre personnages auxquels j’ai pensé, dans le désordre. Arrives-tu à leur attribuer une réplique ?
- Une gouvernante dans une riche famille du XIXe siècle.
- Une vieille ivrogne bourrée.
- Un jeune enfant capricieux.
- Une sœur, environ 13 ans, qui parle à son frère.
Exemple : la manière de réagir
Pour cet exemple, visualise une scène de raquette à la sortie d’une école. Henry, un géant pour ses dix ans, tourmente une fille de sa classe. Ensuite, faisons intervenir Michaël à la scène, un garçon qui assiste la scène.
Henry était un géant pour ses dix ans. Sa grande taille lui servait principalement à terroriser les élèves de sa classe, tous plus petits que lui.
Il en faisait d’ailleurs la démonstration active, planqué dans un coin du préau :
— Tu me files ton goûter et il t’arrivera rien, grogna-t-il en plaquant la minuscule Emma contre le mur sale.
La jeune fille hocha la tête, en gémissant.
— Bah sors-le ! Andouille !
— Je… peux… pas, sanglota-t-elle.
— Oh ! Tu vas pleurer ! Pauvre chou ! Tu m’sors ton goûter et ça fera pas plus mal !
Elle désigna le sol des doigts et il un éclair de compréhension traversa son visage. Il recula d’un pas pour lui permettre de retirer son sac. À ce moment, un caillou roula derrière eux.
— Tiens, tiens, Michaël… T’as quelque chose à dire ?
Le garçon le fixa un instant, le regard brillant de colère.
— T’allais parler ?
Le rictus de Henry se fit mauvais.
— Tu veux peut-être que je te fasse l’autre œil ? ricana-t-il en pointant son orbite bleue.
Michaël baissa la tête en grimaçant.
— C’est ce qu’il me semblait ! J’te demande pas ton goûter, j’suppose que t’en as pas ?
Nouveau silence.
— T’attends quelque chose ? Nan ? Alors, dégage !
Sans relever le menton, le garçon obéit. La marguerite qu’il venait de cueillir pour Emma s’effrita dans ses poings serrés. Il la vengerait.
Ici, l’inaction du personnage, le fait qu’il ne répond pas, en dit beaucoup sur son caractère.
Comment reconnaître ses personnages même sans incise ?
Dialogue 1 ou qui sont ces personnages ?
— Madie à table.
— Oui, j’arrive.
— Madie…
— Mmh ?
— Quand est-ce que sa mère revient déjà ? À quinze heures ? Plus que trois…
Le personnage 1 est difficilement identifiable. Tu auras peut-être pensé à une baby-sitter, à une grand-mère, à une voisine venue rendre service, etc. Il est ardu de donner un âge au personnage. Idem pour le second personnage, bien que l’on saisisse, à la dernière réplique seulement, qu’il s’agit d’une enfant ou d’une adolescente.
Échange n°2 avec caractérisation :
— Madie, ma petite puce, nous passons à table.
— Ouais… j’arrive.
— Madie, lâche donc ce téléphone portable. Nous mangeons maintenant, pas quand je serai morte !
— Okay, okay… pas la peine de se véner !
— Mon Dieu, elle me fatigue. Je ne comprends pas un mot sur deux ! Quand est-ce que sa mère vient la récupérer déjà ? Quinze heures, non ? Encore trois…
On est d’accord, cette discussion peut être améliorée, mais il est déjà plus facile de voir se dessiner le personnage d’une grand-mère et de sa petite-fille, adolescente.
Astuce n°4 : Un dialogue réussi n’est pas forcément littéraire !
Un dialogue sert à connaître les personnages, à comprendre d’où ils viennent, qui ils sont. Or, rien n’en dit autant que la façon dont nous nous exprimons sur nos origines, notre âge, le milieu social dans lequel nous évoluons !
En effet, un gamin des rues, un aristocrate du XIXe siècle et une institutrice n’auront pas la même façon de communiquer. N’hésitez pas à jouer des différents niveaux de langue : grossier, familier, soutenu, etc., et des expressions pour rendre vos personnages identifiables.
Cela signifie que vous pouvez rédiger des phrases grammaticalement incorrectes ou des tournures que l’on entend à l’oral, mais qui ne s’écrivent pas. Et pour cause, vous retranscrivez la parole des personnages !
Exemple :
« C’est quoi, ça ? » Au lieu de « Qu’est-ce que c’est ? »
« Je veux pas », au lieu de « Je ne veux pas. »
« Ça me saoule ! » au lieu de « ça m’agace. »
Astuce n°5 : un dialogue réussi montre les émotions des personnages
Pour éviter que le lecteur ne soit trop passif, on conseille souvent de montrer quelque chose plutôt que de le décrire.
Exemple : Mario était triste. ⇾ Une digue céda en Mario et ses yeux piquants relâchèrent soudain les larmes jusqu’ici prisonnières.
Je ne reviendrai pas, ici, sur cette technique. En effet, j’y consacrerai un article, dans quelque temps.
Admettez, donc, que le lecteur plonge plus facilement dans le texte, si vous l’utilisée.
Eh bien, justement, les dialogues sont un formidable outil pour vous y aider ! En effet, vos personnages réagissent directement à ce qu’ils vivent, à leurs échanges, etc. Le lecteur n’a plus qu’à interpréter !
Quelques astuces pour y parvenir :
- Jouez sur leur langage non verbal : les gestes trahissent beaucoup de nos émotions ou de nos états d’être.
- Changez leur façon de parler : qqn qui a peur sera peut-être plus agressif, qqn qui est fatigué, plus laconique, etc.
- Adaptez leur ton et volume : un homme poursuivi par un tueur chuchotera au téléphone. Un autre, perdu dans un labyrinthe, pourrait crier, etc.
- Montrez leurs réactions tout simplement : le lecteur comprendra souvent ce que ressenttent les personnages, sans que vous ayez besoin de le lui expliquer ! Exemple : Marc, comme tous les jours, regarde le tirage du loto du jour à la télé, tickets de jeu en main. Soudain, il s’écrit : « Oh mon dieu ! C’est pas vrai ?! J’ai gagné ?! » Je pense que son émotion se passe de commentaire !
Astuce n°6 : Un dialogue réussi évite l’effet encyclopédie
L’info dump, c’est le fait de lâcher plein d’informations, en une seule fois, à destination du lecteur, de sorte que le texte en paraît artificiel.
Les nouveaux auteur·ice·s ou les écrivain·e·s des genres de l’Imaginaire ont tendance à se laisser prendre par ce piège, car ils veulent que leur lecteur comprenne rapidement l’univers, les personnages, les enjeux, etc.
Voici un exemple d’info dump :
— Mërydialh, mon amie, on va avoir du mal à te trouver un bijou adapté à tes grandes oreilles ! se lamente Laurine.
— Je sais bien que cette ville est humaine, mais vous pourriez faire un effort et proposer un peu plus d’intégrité ! J’ai toujours l’impression d’être un ovni !
— C’est pas parce que je suis fille du chef que je peux y changer quelque chose, rétorque Laurine.
— Bien, et comment je fais, moi du coup ? Ce soir, c’est le bal du solstice d’été !
— Je sais, on a qu’à t’en fabriquer un ! Vu que ma sœur est apprentie joaillère !
Ici, plusieurs points sonnent faux : le rappel que la ville est humaine, de l’identité de personnages, du rôle de sa sœur, etc.
Alors, comment éviter l’info dump pour un dialogue réussi ?
Plusieurs points peuvent vous aider à ne pas tomber dans la surcharge d’informations :
- Vous rappeler que votre lecteur n’a pas à ab-so-lu-ment tout savoir de l’univers, des personnages, de leur passé, etc.
- Accepter que les informations soient disséminées progressivement dans le récit et non en un seul bloc, compact, qui par conséquent sera peu naturel.
- Utiliser le sous-texte pour faire comprendre au lecteur certaines informations, sans les expliciter directement. Votre lecteur est intelligent : il saisira les sous-entendus. De plus, son cerveau sera mis à contribution et il n’aura pas l’impression de s’ennuyer !
- Ne cherchez pas à donner toutes les informations à travers les discussions. Oui, les échanges entre personnages sont importants, mais le reste du texte l’est également. Si une réplique ne semble pas naturelle, formulez-la différemment ou supprimez-la. Le narrateur, lui, pourra peut-être présenter l’information en dehors du dialogue !
- Éviter les phrases où le personnage énonce clairement son rôle, son rang, le type de relation qu’il entretient avec l’autre, etc. Montrez-le plutôt à travers leur manière communiquer, d’interagir, etc.
Reprenons le dialogue — un peu bête — du dessus et appliquons les points précédents.
— Mërydialh, viens voir ! J’ai peut-être trouvé un tour de tête qui t’irait ! s’écrit Mariane.
— Vraiment ? Ce serait une première !
— Tiens, essaie-le, s’enthousiasme la jeune femme.
L’elfe enfile la chainette dorée par-dessus son crâne, avant de grimacer.
— Rah, mais avec des oreilles comme ça, on va y passer la journée ! rouspète Laurine. Faut encore qu’on se prépare !
— Tu crois que ça m’amuse ? J’ai n’ai jamais trouvé une boutique, dans cette fichue ville, avec des bijoux adaptés aux elfes !
— Ça, c’est le décret de papa, marmonne Mariane entre ses dents.
— Eh bien, rapportez-lui, à votre père, que ça ne facilite pas l’intégration des étrangers.
— Comme si on avait ce pouvoir, ricane Laurine. Il ne nous écoute jamais.
— Ne dis pas n’importe quoi. Il t’a laissé choisir le thème du bal de ce soir !
Laurine fronce le nez, peu impressionnée.
— La danse, c’est pour « les filles », lâche-t-elle en prenant la voix de son père, tu sauras mieux, alors trouve-moi un thème.
Mërydialh lève les yeux au ciel :
— Bien, et comment je fais moi, du coup ? Non, parce qu’ouvrir les bals de solstice aux étrangers, sur le principe, c’est une avancée, mais si on ne peut pas s’habiller…
— Je t’en bricolerai un si tu veux. Maître Gus m’a appris à faire les tours de tête la semaine dernière. Il ne sera pas top, mais au moins, tu ne seras pas tête nue ! propose Marianne.
— Certes, le dialogue est plus long, mais l’information est déjà mieux répartie et arrive plus naturellement.
Certes, le dialogue est plus long, mais l’information est déjà mieux répartie et arrive plus naturellement.
Astuce n°7 : Des personnages mobiles (et non des Playmobiles — OK je sors !) pour un dialogue réussi
Lorsque tes personnages bavardent, ils ne se tiennent pas, immobiles, l’un face à l’autre.
Non.
Ils interagissent avec leur environnement.
Dans la vie, nous sommes sans cesse en action, à regarder notre téléphone, à triturer un verre d’eau, à jouer avec nos cheveux. Nos attitudes parlent même plus que nos paroles, puisque 55 % de la communication passe par nos gestes et nos expressions !
Tenez compte de cette réalité et intégrez-la à vos dialogues pour les rendre plus percutants et plus vraisemblables pour vos lecteurs.
Quelques conseils pour y arriver :
- Pense au contexte de l’échange : pourquoi délibèrent-ils, sur quoi, dans quel but, quelle est leur mentalité/état d’esprit au début et à la fin ?
- Réfléchis au lieu où ils se trouvent. Tes personnages se comporteront différemment s’ils sont dans un bar, dans une maison de retraite ou sur un radeau !
- Joue avec le décor ! Quels sont les objets qui les entourent ? Comment pourraient-ils interagir avec ?
- Leur tenue et coiffure : sont-ils gênés par des manches trop amples ? Un décolleté trop profond à leur goût ? Une mèche de cheveux qui les gratte ?
- Réfléchis à leurs rapports : vont-ils se prendre la main, se tapoter l’épaule, rester à distance ?
Comme dans la vie, joue sur ces points pour permettre à ton lecteur de comprendre qui est ton personnage, ce qu’il veut et comment il se sent.
Astuce n°8 : Un dialogue réussi use des incises avec parcimonie
Définition
Les incises sont les courtes propositions insérées dans les paroles des personnages : « dit-il », « répond-elle ».
Elles permettent de comprendre qui parle, sur quel ton, et de quelle manière. Si elles sont importantes, voire essentielles, il faut savoir les doser correctement.
Un surplus d’incises
Pour être certain·e·s que le lecteur comprenne qui prend la parole, les auteurs peuvent être tentés de caser des incises à chaque réplique ou presque. Jusqu’à l’abus.
C’est d’ailleurs une erreur fréquente lors du premier jet ou chez les écrivains débutants. Pourtant, un abus d’incises est néfaste aux dialogues. Les incises coupent l’échange, cassent le rythme et alourdissent le texte.
Bref, le dialogue paraît presque robotique.
Voilà, un exemple :
– Vite, on va être en retard ! s’écrie Jean, depuis le salon.
– J’arrive ! hurle Jacques en retour. J’enfile juste mon costume de cérémonie !
– Tu ne l’as pas encore mis ? s’exclame son ami, l’air effrayé ?
Bon, je m’arrête là, c’est suffisant pour comprendre l’effet d’un abus d’incises.
Un manque de précisions
À l’inverse, un manque d’incise peut gêner. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un groupe de personnages (plus de trois) discutent. Sans indication sur qui prend la parole, le lecteur peut vite se retrouver perdu.
Alors quelles sont les astuces pour gérer les incises ?
L’idéal serait de les utiliser uniquement lorsqu’elles sont nécessaires à la compréhension, c’est-à-dire si :
- Elles sont essentielles pour saisir qui parle ;
- Elles précisent les gestes du personnage ;
- Elles informent sur le ton employé et le volume de la voix.
Exemple : De façon assez logique, si deux personnages échangent, leurs tirades vont s’enchainer sans que l’on ait besoin d’expliciter qui répond à chaque fois.
Les verbes de paroles
Les premiers verbes à nous venir à l’esprit sont les suivants : « dire », « répondre », « demander », etc.
Le problème, c’est que ces verbes, appelés « pauvres » ou « faibles », alourdissent le texte. Imprécis, ils peuvent être utilisés dans presque tous les contextes et nécessitent un complément.
Exemple : Le verbe « dire » peut signifier plusieurs choses : chuchoter, hurler, parler, déclamer, etc.
Comme le montre l’exemple, il existe pléthore de verbes plus caractérisés par lesquels vous pourriez les remplacer.
Pour plus de détails sur ces verbes, je vous invite à consulter l’article sur le sujet, juste ici.
Et si vous voulez constater par vous-même l’impact qu’ont les verbes « riches », voici un petit exemple :
Dialogue 1 : pauvre échange ?
– Bon, ça y est, c’est tout installé, dit Margot. Reste plus que la musique. Ça en est où ?
– J’sais pas trop… répond Thomas dans sa barbe. Rayan est parti voir y’a quinze minutes.
– Et t’as pas de news ? demande-t-elle.
– Nope, dit-il en haussant les épaules. Tu le connais.
Dialogue 2 : Échange constructif ?
– Bon, ça y est, c’est tout installé, sourit Margot. Reste plus que la musique. Ça en est où ?
– J’sais pas trop… marmonne Thomas, une ficelle de ballon dans la bouche. Rayan est shorti voir y’a quinge minutes.
– Et t’as pas de news ?
– Nope, confirma-t-il en haussant les épaules. Tu le connais.
Astuce n°9 : dialogue réussi et aux répliques équilibrées
Ce conseil n’est pas à appliquer tout le temps.
En règle générale, essayez d’équilibrer les répliques. C’est un échange et non un monologue. Le fait que chacun puisse s’exprimer permet à ton lecteur de comprendre le but et les sentiments de chaque personnage.
En revanche, vous pouvez aussi jouer sur ce temps de parole pour insister sur les rapports de force au sein du groupe. Un commandant aura peut-être l’ascendant sur son vassal. Un timide restera en retrait, etc.
Astuce n°10 : un dialogue réussi grâce à la lecture à voix haute !
Dernier conseil, mais pas des moindres : relire vos dialogues à voix haute. Si cette astuce paraît enfantine, elle cache pourtant une méthode à l’efficacité redoutable.
De fait, le passage à l’oral permet une prise de conscience du rythme de récit et de sa vraisemblance. Vous remarquerez immédiatement les passages qui sonnent faux. La correction n’en sera que facilitée.
En bref, jouez vos dialogues pour mieux les peaufiner !
Astuce bonus pour des dialogues réussis
Quelques techniques utiles à placer (ou non) dans ses dialogues
Utiliser l’ironie dramatique (le lecteur a des infos que le personnage n’a pas)
L’ironie dramatique, c’est quand le lecteur connaît une information que le personnage ignore. De ce décalage peut naître une tension.
Exemple :
Résumé du contexte :
Deux chapitres auparavant, soit environ quinze jours avant la scène qui suit, Ménélé l’aventurier s’est blessé alors qu’il explorait une jungle. Recueilli par un peuple et choyé depuis lors, il pensait reprendre sa route ce soir-là, après deux semaines de pur bonheur où il a été traité comme un roi.
Le chapitre précédent montrait un second personnage, étudiant en histoire
des civilisations, qui recherchait des informations sur la tribu en question.
On y apprend qu’ils pratiquent, à chaque nouvelle lune, des sacrifices humains
pour satisfaire l’appétit sanglant de leurs dieux et qu’ils endorment la
malheureuse victime à l’aide d’une décoction pour qu’elle ne souffre pas.
(Admettons, pour l’exemple, que tout le monde parle la même langue !)
Dialogue :
– Ménélé, salua mémé Bidia en entrant dans la maison qui lui avait été prêtée. Nous organisons des festivités ce soir, pour célébrer la nouvelle lune. Nous feriez-vous l’honneur de vous joindre à nous ?
– C’est que j’avais prévu de poursuivre vers les Monts d’Or, répondit-il l’air gêné. Je… J’avais prévenu Grand Chef.
– Il me l’a dit, oui, confirma-t-elle d’un hochement de tête. Mais il souhaitait vous convier pour fêter votre départ comme il se doit. Sa faiblesse d’hier l’a empêché de vous présenter ses adieux, selon nos traditions.
– Ah ! Je vois. C’est gentil, mais il faut vraiment que je reprenne mon périple. Ma fiancée m’attend à la sortie de la jungle dans trois jours !
– Oh.
Ce simple son, dépité, lui fit l’effet d’un coup de poing. Comment pouvait-il être aussi catégorique, alors qu’autour de lui s’entassaient les preuves de leur générosité ? Les corbeilles de fruits, sans cesse réapprovisionnées, les petits objets, confectionnés par les enfants en son honneur, et surtout, la natte. Cette sobre couche de tissu lui avait sauvé la vie. C’est sur cette tresse faite main que les villageois l’avaient rapatrié jusque dans cette hutte ; sur elle encore, qu’il avait passé une semaine à moitié dans les vapes, pendant qu’on le soignait.
Non.
Il ne pouvait pas partir comme un voleur.
– C’est entendu, sourit-il, je reste une nuit de plus. Je vous dois bien ça !
Le visage de mémé Bidia s’éclaira :
– Ah la bonne heure ! Alors, venez ! J’ai préparé la tisane traditionnelle de nos fêtes !
Et sans attendre, elle le poussa en dehors de la cabane, un sourire aux coins des lèvres.
Les quiproquos
Voici la définition du Larousse : méprise par laquelle une personne, une chose est prise pour une autre.
Le quiproquo, en bref, c’est quand deux personnages pensent parler de la même chose, alors qu’ils ont deux idées différentes en tête. C’est un malentendu. Les situations qui en résultent peuvent être amusantes, stressantes, etc.
Les blagues
Bon, là, pas besoin de définition. Caser des blagues dans ses dialogues ou utiliser une forme d’humour, de jeux de mots ou autres calembours, peut permettre d’apporter le rire au lecteur ou de donner un certain caractère à votre personnage. Attention cependant, l’humour n’est pas simple à manier et dépend énormément de l’environnement et de la sensibilité de chacun·e.
Les allusions
Vous avez un personnage dragueur, charmeur ou carrément lourdingue ? Utiliser les allusions ou les sous-entendus peut être une façon de le montrer.
D’ailleurs, bien d’autres tempéraments peuvent se prêter au jeu des allusions : essayez avec des êtres jaloux ou susceptibles, par exemple !
L’ironie, le sarcasme, etc.
Tout comme les blagues, l’ironie ou le sarcasme sont deux outils qui peuvent venir pimenter un peu vos dialogues et relever le caractère de vos personnages ! À user avec modération ?
La mise en forme des dialogues
Pour finir, quelques normes.
Deux règles se disputent encore pour la forme des dialogues : la vieille et la nouvelle typographie.
L’ancienne typographie :
Cette mise en forme des dialogues est moins usitée de nos jours. Cependant, il arrive encore souvent de la rencontrer dans des livres publiés il y a quelques années ou dans les éditions traditionnelles. Voici la règle :
- On entame le dialogue à l’aide d’un guillemet ouvrant.
- Les répliques s’enchainent avec des tirets cadratin, jusqu’à la dernière.
- On termine le dialogue par un guillemet fermant.
Il faut un saut à la ligne à chaque changement de réplique.
Exemple :
« Martine ? Tu es là ? s’écrit madame Gus en rentrant chez elle.
— Ouais ! fit une voix juste derrière elle.
— Oh mon dieu ! Tu m’as fait peur ! »
La nouvelle typographie :
De façon logique, la nouvelle typographie tend à être de plus en plus utilisée par les éditeurs, car plus simple.
Ici, aucun guillemet n’encadre le dialogue. Les répliques sont toujours introduites par des tirets cadratin, y compris la première et la dernière. Il faut un saut à la ligne à chaque changement de réplique.
Exemple :
– Bah tu me demandes si je suis là, je te réponds !
– Certes, mais je ne m’attendais pas à ce que tu surgisses derrière moi, sans faire de bruit !
– Si tu ne criais pas aussi fort, tu m’aurais entendu.
Qu’est-ce qu’un tiret cadratin ?
Le tiret cadratin est plus long que le trait d’union. Il peut être obtenu en tapant « Alt+ctrl + (- ) » sur votre clavier ou bien, si vous disposez d’un pavé numérique, « Alt+0151 » (cadratin) ou « Alt+0150 » (demi-cadratin).
Les tirets cadratin sont suivis d’une espace insécable.
Et les incises dans tout ça ?
Petit point règle pour ces propositions, souvent mal mises en forme.
Les incises ne commencent jamais par une majuscule. Si la phrase précédente se termine par un point, il faudra employer une virgule à la place. Si elle s’achève par un point d’exclamation ou d’interrogation, il suffit de poursuivre SANS majuscule.
Si, en revanche, vous devez joindre des précisions et sortir momentanément du dialogue, ajoutez un saut à la ligne.
Exemple :
– Mario, viens ranger tes jouets s’il te plaît, crie sa mère depuis le salon, tu en as mis partout !
– J’arrive !
Un quart d’heure plus tard, madame Dubois perd patience :
– Mario ! hurle-t-elle à nouveau, c’est maintenant !
Votre personnage est bavard ?
Dans ce cas, vous devrez peut-être couper sa tirade en deux paragraphes, pour faciliter le déchiffrage. Un signe introduisant le second paragraphe devient alors nécessaire pour permettre au lecteur de comprendre qu’il s’agit de la suite de la réplique précédente. Par exemple, en utilisant un guillemet ouvrant.
Conclusion
Je pense avoir fait le tour des astuces à connaître pour écrire un dialogue réussi. Il ne me reste plus qu’à vous donner une dernière recommandation, si la gestion des dialogues est nouvelle pour vous : ne cherchez pas à appliquer les 10 points d’un coup.
Au contraire, focalisez-vous sur une ou deux astuces jusqu’à les maîtriser. Ensuite, ajouter les autres au fur et à mesure. Votre apprentissage sera ainsi plus efficace et vous n’aurez pas l’impression de crouler sous les conseils !
Enfin, vous pouvez garder ces conseils pour la correction, afin d’éviter de vous retrouver bloquer par des points techniques lors du premier jet !
Pour conclure, je vous souhaite une bonne écriture. J’espère que ces conseils vous aideront à rédiger des dialogues percutants et vraisemblables !
Bibliographie
Comme d’habitude, voici quelques liens sur lesquels je me suis appuyée et qui peuvent vous permettre de poursuivre votre apprentissage vers des dialogues réussis.
https://www.librinova.com/blog/comment-ecrire-de-bons-dialogues/
https://samueldelage.com/comment-ecrire-des-dialogues-percutants/
https://www.maxicours.com/se/cours/les-regles-de-presentation-du-dialogue/
https://www.aproposdecriture.com/regles-typographiques-du-dialogue
https://lesoufflenumerique.com/2012/10/23/typographie-ecrire-des-dialogues/
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[…] Pour plus de détails ou d’exemple sur l’usage des dialogues, je vous invite à consulter l’article consacré à ce sujet juste ici. […]
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